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Le rôle-clef des gardes du corps du couple présidentiel
L'assassinat du général Gueï et celui du comédien Camara H. figureraient parmi leurs œuvres. C'était le 19 octobre 2002, au cimetière de Williamsville, le plus grand d'Abidjan. Une petite foule est venue pour l'enterrement d'un membre de l'une des grandes familles du nord de la Côte d'Ivoire, les Gon Coulibaly. Un véhicule, immobilisé à distance, attire l'attention de plusieurs personnes. A la fin de la cérémonie, l'assistance se dissipe, seuls une douzaine de jeunes restant sur place pour fermer la tombe. C'est alors que surgit un groupe d'hommes armés, certains en tenue militaire, d'autres en civil. Munis d'une liste nominative, ils obligent les jeunes à décliner leur identité. Ils les font partir un à un, à l'exception de deux d'entre eux. "Il ne faut pas leur faire du mal", supplie l'un des derniers partants. "Toi, tu es libéré, alors va-t-en !", crie l'un des membres du commando en lui assénant un coup de crosse. Les deux jeunes sont abattus, au pied de la tombe ouverte. Selon un témoin oculaire, le chef de l'escadron de la mort au cimetière de Williamsville était le capitaine Anselme Seka Yapo. Connu et craint du Tout-Abidjan sous le nom de "Seka-Seka", il est sorti, en 1997, de l'Ecole des forces armées (EFA) à Bouaké, avant de suivre un stage en France, à Melun, et d'intégrer une unité de la gendarmerie à Abobo, un quartier d'Abidjan. Dans les heures fatidiques d'octobre 2000, qui virent Laurent Gbagbo accéder à la présidence à la faveur de combats de rue entre ses partisans et ceux de l'ex-premier ministre Alassane Ouattara, il aurait participé à l'expédition punitive qui a abouti au "charnier de Yopougon" et à ses 57 cadavres. Décoré, promu capitaine "à titre exceptionnel", il a ensuite été affecté comme aide de camp de Simone Gbagbo, la première dame de Côte d'Ivoire. Attié, une petite ethnie qui compte parmi les plus fidèles soutiens de Laurent Gbagbo, en dehors de son fief dans l'Ouest, il appartient à la grande famille des Akans, comme l'épouse du président. Relevé de ses fonctions en août 2000, à la suite d'une brouille, le capitaine Seka est cependant rappelé un mois plus tard. Il participe, selon un document confidentiel des Nations unies, à l'assassinat du général Gueï et de sept membres de la famille de l'ancien chef de l'Etat, le 19 septembre 2002. Parmi les victimes figure l'aide de camp de l'ex-chef de la junte qui a gouverné la Côte d'Ivoire de décembre 1999 à octobre 2000, le capitaine Fabien Coulibaly, l'instructeur d'Anselme Seka à l'EFA de Bouaké. Identifié comme le "chef de l'escadron militaire", le capitaine Seka est également mis en cause par des militants des droits de l'homme dans la mort du lieutenant Dosso, son condisciple à l'Ecole militaire préparatoire technique (EMPT) de Bingerville. Ceux-ci relèvent aussi que l'ultime appel téléphonique du Dr Benoît Dacoury-Tabley, le frère du chef rebelle tué début novembre, est venu de la gendarmerie d'Abobo. LE "MAÎTRE" ET SES HOMMES Patrice Bailly – également orthographié "Bayi" – a succédé, comme responsable de la sécurité de Laurent Ggagbo, à Louis Dacoury-Tabley, l'ancien intime qui a rejoint la rébellion. Recruté dès les années 1980 par Michel Legré, un parent par alliance de Simone Gbagbo et ex-stagiaire du KGB à Kiev, Patrice Bailly a été professeur de karaté et se fait appeler "maître". Homme méthodique, d'une "intelligence retorse" selon l'un de ses anciens disciples, il a tenté une OPA sur les services de sécurité de la présidence, mais s'est "heurté aux militaires". Il est cependant devenu l'ombre portée de Laurent Gbagbo, sauf dans les déplacements à l'étranger du chef de l'Etat ivoirien. Selon des militants des droits de l'homme à Abidjan, il est à la tête de "l'escadron civil". "Maître" Bailly et ses hommes, une douzaine de recrues, circulent à bord de deux véhicules 4 × 4 de marque Cherokee, l'un vert et l'autre bleu profond, et d'une petite BMW noire. Ils ont été identifiés par de nombreux témoins lors d'enlèvements de personnes, ensuite retrouvées criblées de balles, dont le comédien Camara Yéréfé, dit "H", tué le week-end dernier. Cet escadron de la mort dispose d'une villa sur le boulevard Latrille, dans le quartier des Deux-Plateaux, mitoyenne du bâtiment abritant une société de communication, Cyclone, dont la propriétaire est une intime du chef de l'Etat. Patrice Bailly et ses hommes sont des habitués de la boîte de nuit située juste en face, Sakura Inter, à tel point que beaucoup d'Abidjanais tiennent le "maître" pour le propriétaire de l'établissement. Cependant, selon d'autres sources, le nightclub appartiendrait à un fils de Laurent Gbagbo. Malgré des demandes réitérées auprès de la présidence ivoirienne, Le Monde n'a pu rencontrer ni le capitaine Seka ni Patrice Bailly pour les confronter aux accusations dont ils font l'objet. "Vous n'êtes pas de la justice, vous n'avez pas à entendre des membres de la sécurité présidentielle", nous a expliqué, mercredi 5 février, le conseiller en communication du président, Toussaint Alain.
Stephen Smith et Jean-Pierre Tuquoi (Le Monde 07/02/2003)
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