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Gbagbo et Jospin à Matignon en 2001 |
Comment la France socialiste l'a imposé en 2000 et veut le maintenir au pouvoir
26 octobre 2000, suite :
L'accession à la présidence de Laurent GBABGO commence dans les pires conditions qui soient, et la chasse aux musulmans et autres étrangers donne le ton de ce que sera son régime. Les dépêches des agences de presse seront de plus en plus "terribles", comme celle-ci, toujours de l'Agence France-Presse, datée du 26 octobre 2000.
« Scènes de chasse à l'homme dans les quartiers d'Abidjan.
Sur la place du quartier des "220 logements" à Adjamé, des petits groupes tiennent des barricades de bric et de broc. Des kiosques de la Loterie nationale se consument.
"Nous voulons des vraies élections", lance Abdoulaye Bassandé, 32 ans, debout, le visage enduit de suie, près d'un pneu qui brûle.
Deux véhicules de transports de troupes blindés et un camion de la gendarmerie arrivent en trombe. Casque anti-émeute sur la tête, les gendarmes jaillissent, lance-grenades lacrymogènes à la main.
La petite foule de manifestants se disperse, l'odeur âcre des gaz se mêle à celle de la fumée.
De derrière le camion, surgit un petit groupe d'hommes en civil, qui déblaye les barricades. Puis, gourdins à la main, ils encerclent un petit groupe de femmes qui n'ont pas le temps de fuir. Menaçants, mais sans les frapper, ils leur hurlent à la figure : "Burkinabè, on veut pas!", allusion évidente aux origines burkinabè de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara.
"C'est les gros-bras du FPI", le Front populaire ivoirien (FPI) du président élu Laurent Gbagbo, murmure un habitant qui observe la scène.
Sur toute la longueur de la grande rue d'Adjamé, barricades et voitures retournées se succèdent.
Un petit cortège passe: "On veut voter! On veut voter!", scandent les partisans M. Ouattara, candidat du Rassemblement des républicains (RDR) éliminé de la course à la présidence par la Cour suprême.
Dans le quartier chic de Cocody, ce sont des "On va les tuer" qui répondent, avec de véritables scènes de chasse à l'homme.
Le visage blanchi au kaolin, scandant "Alassane, Burkinabè, va dans ton pays", une centaine de militants du FPI ont voulu attaquer la résidence de M. Ouattara.
Gourdins et machettes en mains, ils ont pourchassé tout ce qui dans le quartier ressemblait à un "dioula", les ressortissants du Nord, région d'origine de M. Ouattara.
Les propriétaires des villas cossues du quartier ont recueilli les blessés.
Ici encore, les gendarmes sont présents, couchés en position de tir sur le toit d'une maison voisine, canon pointés sur l'entrée de la luxueuse demeure de l'ancien chef de gouvernement.
Un "dozo" (chasseur traditionnel) de la garde de M. Ouattara ouvre le feu. Selon les assaillants, un des leurs est mortellement touché. La foule des partisans de M. Ouattara est brutalement dispersée et la course-poursuite s'engage dans le quartier.
Poursuite sanglante, où les coups de machette partent vite. Dans le "village" de Blokosso, en bord de lagune, un journaliste de l'AFP a pu voir six corps entassés, avec de profondes blessures.
Un groupe de journalistes qui filmaient et photographiaient la scène a ensuite été pris à partie par la foule et n'a réussi à repartir qu'après de longues et difficiles tractations.
Ailleurs à Cocody, des gendarmes bastonnent ferme.
Au Plateau, non loin de la maison du général Robert Gueï, le chef de l'ex-junte, un journaliste occidental a vu des gendarmes en train de frapper cinq hommes, qui avaient été entièrement déshabillés et forcés à s'allonger par terre. Furieux les gendarmes, lui ont ordonné de passer rapidement son chemin. »
26 octobre 2000, toujours :
Le président de l'Internationale socialiste, Antonio Guterres, Premier ministre portugais de l'époque, salue « fraternellement » le président élu de Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, en ces termes : « La victoire que vous avez obtenue témoigne de la volonté de changement du peuple de Côte d'Ivoire ». Et tant pis si les machettes brassent toujours de l'air dans les rues d'Abidjan.
L'Union européenne en appelle quand même au « sens des responsabilités des dirigeants politiques » ivoiriens pour que soit mis fin aux « affrontements fratricides ».
Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, appelle encore à la tenue de nouvelles élections. « Il existe maintenant une possibilité de mettre en place un processus politique démocratique qui permettra au peuple de Côte d'Ivoire d'élire librement ses représentants », déclare-t-il.
Les affrontements entre militants du RDR et ceux du FPI gagnent l'Ouest : San Pedro, Gagnoa et Daloa s'animent. Les morts tombent. Au moins quatre à Bouaké, 36 à Abidjan pour cette seule journée du jeudi 26 octobre. Ce n'est qu'un premier décompte .
Gbagbo joue les grands seigneurs et offre des postes ministériels à ses rivaux politiques, tout en réaffirmant avec force qu'il ne lâchera jamais la présidence : « A Yamoussokro, je me suis engagé à former un gouvernement d'union nationale, et je le contacterai », déclare-t-il en parlant de Ouattara. Mais il ajoute : « Il y a deux choses sur lesquelles je ne reviendrai jamais. La première, c'est la constitution. La deuxième, ce sont les élections. Tout le reste est discutable ».
Et il se lâche, car l'essentiel est toujours ailleurs. Interrogé sur la question de l'"ivoirité" de Ouattara, Gbagbo répond : « Quand j'entends cette question, je vous assure, j'ai envie de pleurer. Ce n'est quand même pas un concept que j'ai personnellement inventé. (.) J'ai été choqué que M. Ouattara, qui a travaillé avec la nationalité voltaïque, qui a été fonctionnaire au nom de la Haute-Volta, aujourd'hui le Burkina, qui a acheté une maison à Ouagadougou, présente aujourd'hui sa candidature à la présidence ivoirienne. »
Las, ce jeudi 26 octobre 2000, Gbagbo est proclamé président de la République ivoirienne par le président de la chambre constitutionnelle de la cour suprême, Tia Koné, lors d'une cérémonie au Palais présidentiel, retransmise en direct par la radio nationale. Laurent Gbagbo pourra se targuer d'avoir été "élu" avec 59,36 % des suffrages exprimés, mais les chiffres parlent d'eux-mêmes : sur 5.475.143 d'électeurs inscrits, Gbagbo n'a obtenu que 1.065.597 voix.
A peine 20 % des électeurs inscrits ! Piètre victoire .
Le soir, les Etats-Unis se prononcent pour de nouvelles élections : « La tenue d'élections libres, justes et générales sera nécessaire pour restaurer pleinement la légitimité du gouvernement de Côte d'Ivoire et rétablir la démocratie », déclare le porte-parole adjoint du département d'Etat, Philip Reeker.
27 octobre 2000 : Lionel Jospin, le Premier ministre socialiste français donne l'onction. « Il y a eu une élection dans un contexte particulier puisque certains candidats ont été écartés, mais elle s'est produite et les résultats semblent montrer que celui qui l'a emporté (Gbagbo) l'a emporté largement et a recueilli une légitimité », déclare-t-il.
Fort de ce soutien majeur, Gbagbo peut alors nommer son Premier ministre, Affi NGuessan, qui était son directeur de campagne électorale.
Puis il reçoit ses nouveaux opposants : Ouattara, d'abord, qui ne remet pas en cause "le président Gbagbo", et indique que la participation de son parti au gouvernement n'est « pas une priorité », préférant respecter une période de deuil pour les victimes des affrontements de la veille. Puis Laurent Dona Fologo, le secrétaire général du PDCI, qui lui, signe tout de suite pour des ministres dans le premier gouvernement de Gbagbo.
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